TRAVAIL FORCÉ DES ENFANTS : UNE URGENCE MONDIALE

Par : Mahouklo Geoffroy Wachinou

Le travail forcé est tout travail ou service involontaire imposé à une personne sous la menace d’une punition, tel que défini par la Convention 29 de l’OIT sur le travail forcé (1930).

Depuis l’adoption de la cible 8.7 des ODD, la communauté internationale s’est engagée à éliminer le travail des enfants. Pourtant, cet engagement est confronté à des défis croissants – changement climatique, instabilité politique, conflits armés, crises économiques et conséquences de la COVID-19 – qui ont tous gravement affaibli les systèmes de protection de l’enfance.

Les efforts des gouvernements pour freiner l’inflation restent insuffisants, en particulier dans les pays en développement, où la hausse du coût de la vie pousse des millions d’enfants dans des stratégies de survie désespérées. Les services sociaux de base sont de plus en plus hors de portée, ce qui oblige davantage d’enfants à travailler.

Selon le rapport 2022 de l’OIT, le nombre d’enfants travailleurs dans le monde a grimpé à 160 millions, l’Afrique à elle seule en représentant 86,6 millions, soit une augmentation stupéfiante de 23,9 %. Ces enfants, à la recherche d’un moyen de survivre, sont exploités sur les marchés, les chantiers de construction, les gares routières, les champs et même sur les lacs. Ils endurent : un travail épuisant et sous-payé, des violences physiques et verbales, des salaires retenus et des promesses non tenues, des conditions dangereuses qui menacent leur santé, leur sécurité et leur avenir.

De nombreux pays en développement, en particulier dans la région du Sahel en Afrique de l’Ouest, sont aux prises avec des menaces sécuritaires, des crises alimentaires et des catastrophes climatiques. Les familles déplacées par la violence, les sécheresses et les difficultés économiques n’ont souvent d’autre choix que de se livrer au travail forcé juste pour survivre. Les enfants subissent les pires conséquences, étant piégés dans des travaux dangereux plutôt que dans des salles de classe.

Malgré la Convention n° 138 de l’OIT sur l’âge minimum d’admission à l’emploi et la Convention n° 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants (ratifiées par tous les États membres), l’exploitation des enfants reste endémique. Le véritable défi réside dans la mise en œuvre, car les lois seules ne suffisent pas.

Les gouvernements, la société civile et la communauté internationale doivent aller au-delà des paroles et passer à l’action concrète. Le rapport Estimations mondiales 2020 sur le travail des enfants de l’OIT présente les principales interventions susceptibles de générer des changements significatifs :

Rendre la protection sociale universelle – L’instabilité économique est l’un des principaux moteurs du travail des enfants. Le renforcement des filets de sécurité tels que les transferts monétaires, l’aide alimentaire et la sécurité sociale peuvent aider les familles à rester à flot sans recourir au travail des enfants comme stratégie de survie.

L’éducation doit être une véritable alternative au travail et non un privilège – Les gouvernements devraient aligner l’âge minimum d’admission à l’emploi sur la fin de la scolarité obligatoire, éliminer les coûts cachés qui empêchent les enfants de aller à l’école et investir dans une éducation de qualité adaptée aux besoins du monde réel.

Briser les normes de genre et la discrimination – Les filles supportent souvent le plus lourd fardeau du travail non rémunéré à la maison, ce qui les rend plus vulnérables à l’exploitation en cas de difficultés économiques. Il est essentiel de lutter contre les inégalités entre les sexes dans les tâches ménagères et les opportunités d’emploi.

Garantir l’enregistrement des naissances – Sans identité légale, les enfants sont invisibles aux yeux de la loi, ce qui en fait des cibles faciles pour l’exploitation. Les gouvernements doivent renforcer les systèmes d’enregistrement des naissances et garantir que chaque enfant ait accès aux documents officiels.

Renforcer les systèmes de protection de l’enfance – La prévention doit être au cœur des politiques relatives au travail des enfants. Les gouvernements doivent allouer des ressources pour faire appliquer les lois sur le travail des enfants, former des inspecteurs et établir des mécanismes de signalement qui permettent aux enfants et aux familles de signaler en toute sécurité toute exploitation.

Promouvoir le travail décent et l’emploi formel – De nombreuses familles dépendent d’emplois informels et instables qui offrent peu de protection. Élargir l’accès à l’emploi formel, en particulier pour les jeunes et les femmes, peut contribuer à briser le cycle de la pauvreté et à réduire les pressions économiques qui poussent les enfants au travail.

Investir dans les moyens de subsistance ruraux – L’agriculture reste le plus grand secteur de travail des enfants, avec 70 % de tout le travail des enfants dans le monde – et jusqu’à 82 % en Afrique subsaharienne – se produisant dans ce secteur. Sans investissements dans les économies rurales, les enfants continueront à travailler dans des conditions dangereuses et exploitantes.

Au cœur de la lutte contre le travail des enfants se trouvent des militants locaux, des leaders de jeunesse et des organisations de base qui travaillent sans relâche pour protéger les enfants. Ces organisations sont souvent les premiers intervenants, apportant un soutien direct aux familles, sensibilisant et plaidant en faveur d’un changement systémique.

Mais ils ne peuvent pas y parvenir seuls. Les organisations communautaires ont besoin d’un financement adéquat, d’un renforcement des capacités et de partenariats stratégiques pour poursuivre leur travail. Les donateurs et les décideurs politiques doivent donner la priorité aux investissements à long terme dans les initiatives locales qui s’attaquent à la racine du travail des enfants : la pauvreté, les inégalités et le manque d’accès à l’éducation.

La lutte contre le travail forcé des enfants n’est pas seulement une question de lois, c’est aussi une question d’action. Il s’agit de démanteler les systèmes qui maintiennent les enfants piégés dans des cycles d’exploitation. Il s’agit de garantir que chaque enfant, quel que soit l’endroit où il est né, a droit à un avenir sûr, sain et digne.

C’est une crise. Cela exige de l’urgence. Cela exige de l’action.

 


About Mahouklo:

À 25 ans, Mahouklo est chef de projet, défenseur des droits de l’enfant et formateur. Il se consacre à amplifier la voix des enfants et des jeunes vulnérables. Fortement engagé dans l’octroi de subventions participatives, il défend activement la prise de décision par les jeunes en matière de philanthropie.

Ancien membre du collectif « decolonize! », l’un des jeunes leaders qui influencent les décisions de subvention du CRIF, Mahouklo contribue désormais au groupe de circonscription du CRIF, un pôle politique dynamique où les jeunes militants se rencontrent, élaborent des stratégies et impulsent le changement.

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